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Recrutement hors CV : Sortir de la mécanique du clonage

Dorsimont 25-10-2013 8:15
Catégories: Focus métiers
 
 

A l’heure de la polyvalence et de l’évolution accélérée des compétences, le CV peut donner une vision trop restreinte et statique d’un candidat et des aspects essentiels tels que les savoir-être et les motivations doivent être cherchés hors CV. Boris Sirbey, co-fondateur de MyJobCompany partage avec nous sa vision du recrutement hors CV.


Vous portez aujourd'hui l'idée de recrutement hors CV. Qu'est-ce qui a motivé cette initiative ?
J’ai découvert le monde des ressources humaines en 2008, en travaillant à la mise en place d’un site emploi innovant pour la société Eurydice Partners. L’objectif était de recentrer l’attention sur l’individu et son potentiel et permettre de recruter sans CV grâce à une technologie basée sur la valorisation des qualités humaines.

Compte tenu de mon parcours de philosophe, le fait de participer à ce projet a été une véritable révélation. Pendant mes études, j’avais souvent été frustré de voir que la philosophie, tout en ouvrant l’esprit humain à une infinité de possibilités, était généralement impuissante à fournir les moyens de les concrétiser, comme si l’idéal et le réel devaient rester deux planètes à jamais irréconciliables.

Ce premier projet n’a pas abouti, mais il m’a fait sentir que les ressources humaines pouvaient être un champ fertile de rencontre entre la philosophie et l’économie. J’ai donc naturellement été porté à creuser le sujet lorsque nous avons monté MyJobCompany avec mes associés Grégory Herbé et Cédric Cohen Lemberg.

Pour nous, l’ouverture de la mise en relation s’inscrit dans une démarche globale qui complète celle du recrutement participatif : MyJobCompany rétribue les internautes lorsqu’ils aident les entreprises à trouver les bons profils, et le fait de développer une solution de mise en relation sans CV prolonge cette vision du recrutement équitable en s’assurant que les bons profils ainsi cooptés ne soient pas discriminés.

Miser sur une approche différente de l'humain peut paraître candide de nos jours. Quel est l'argument d'un tel pari pour les recruteurs ?
S’arracher à la mécanique du clonage. On sait que la plupart des recruteurs tendent à sélectionner en priorité les candidats qui leur sont semblables : ainsi, entre deux profils également pertinents, un recruteur préférera celui qui a, par exemple, fait la même école que lui. Du fait de ce mécanisme d’assimilation par similarité, le recrutement a ainsi tendance à s’aligner sur une sorte de « moyenne sociale type » représentative des décideurs.

Le recruteur va ainsi en venir à appliquer mécaniquement une série de filtres réducteurs pendant le processus de sélection et ne retenir que les candidats qui, selon lui, lui vaudront une approbation de ses supérieurs ou de ses pairs, et que le candidat, pour sa part, va réduire toute rugosité dans son mode de présentation afin d’obtenir l’approbation du recruteur, etc. : le recrutement est ainsi « normé ».

Or cette normalisation va bien au-delà du recrutement lui-même : elle implique la reproduction des mêmes schémas comportementaux à toutes les échelles des organisations, renforçant leur inertie, parfois jusqu’à un point absurde. Une société toute entière peut ainsi finir bloquée dans ses peurs et ses préjugés.

Et même si, en droit, notre société se fonde sur le respect de la dignité humaine, la prépondérance de l’économie favorise en réalité les pratiques consistant à considérer l’être humain à l’instar d’une chose. De ce point de vue, les ressources humaines, qui devraient jouer un rôle de révélateur du potentiel personnel, exercent la plupart du temps la fonction exactement inverse, en réduisant les humains à une valeur marchande et à une fonction.

D'un point de vue très concret, les entreprises peuvent-elles en attendre un bénéfice à court ou moyen terme ? Sinon, d'où peut venir le financement ?
Tant qu’une pratique donne des résultats immédiats, on se contente généralement de la reproduire, même si elle génère, au bout du compte, un inconvénient collectif. Cependant, un nombre croissant de recruteurs deviennent sensibles à des approches alternatives justement parce que le recrutement par CV a cessé d’être efficace pour eux.

Le CV est devenu le support naturel de la discrimination, et la conséquence la plus directe de la discrimination est le chômage. En effet, même si une grande partie du chômage découle d’un déséquilibre entre offre et demande, le point de gravitation naturel du marché est largement faussé par l’existence de barrières à l’entrée sur de nombreux postes. Ainsi, le Pôle Emploi compte en moyenne 500.000 offres d’emploi qu’il a des difficultés à pourvoir en France, le problème découlant en partie du fait que des candidats qui pourraient convenir au poste sont rejetés avant même d’être pris en considération.

Le recrutement sans CV apporte donc une réponse concrète sur les postes en tension, en particulier lorsqu’il est couplé à des dispositifs de formation qui favorisent la préembauche (un autre axe vers lequel nous développons nos solutions aujourd’hui).

En parlant de technologie, où en êtes-vous de vos travaux ? Pouvez-vous partager avec nous des retours du terrain ?
Notre technologie algorithmique couple une évaluation du savoir-être (qualités humaines), du savoir-faire (compétences), une évaluation de prérequis pragmatiques sur le poste et une série de signaux faibles (salaire, mobilité, etc.).
Cette approche holistique garantit un processus de recrutement pragmatique et non excluant et offre un très grand niveau de finesse dans l’évaluation des affinités.

Cependant, le principal problème dès lors que l’on demande au candidat comme au recruteur de sortir de ses routines est que cela peut se révéler à la fois déstabilisant et consommateur en temps.
Pour faciliter la transition, nous avons imaginé une prise en main progressive et rendu notre référentiel aussi ludique que possible.

L’être humain est riche de très nombreuses dimensions et c’était un défi passionnant de partir de cette complexité pour en saisir l’essentiel dans un outil épuré.
Notre solution sera mise à disposition du public courant novembre sur notre place de marché puis sera proposée d’ici la fin de l’année pour la gestion de besoins internes via notre solution SaaS.
Nous avons déjà des retours sur des pilotes avec des recruteurs qui ont bien voulu se prêter au jeu.
Ce qui me frappe le plus est de sentir que nous touchons à une fantastique réserve d’énergie, aussi bien chez les recruteurs que chez les candidats.

De ce point de vue, l’argument le plus fort à mon sens reste le plaisir de révéler l’énergie humaine qui sommeille sous les innombrables filets de sécurité que nous avons crées pour la contenir.
Nous avons réalisé nos recrutements internes sans passer par le CV et je ne peux décrire la jubilation que l’on ressent quand on abandonne les protocoles pour vivre une expérience directe et non conditionnée de rencontre avec les individus.

En imaginant un large consensus autour de cette vision, quels changements cela induira-t-il pour le candidat ? Comment devra-t-il se présenter sur Viade
o par exemple ?
Nous sommes loin d’être les seuls à porter cette vision et il existe aujourd’hui toutes sortes d’approches qui visent à élargir la mise en relation et à déplacer le territoire de la rencontre avec le candidat.

L’un des grands bénéfices des réseaux sociaux est d’avoir fait éclater l’unilatéralité des référentiels professionnels classiques pour révéler les êtres humains dans ce qu’ils avaient de multidimensionnel.

D’un autre côté, cette richesse peut rapidement devenir un facteur de confusion et je pense que la problématique du recrutement sans CV implique aussi l’adoption d’un nouveau support consensuel qui présente l’information de façon synthétique et structurée. Nous avons opté pour un certain mode de présentation du candidat centré sur les qualités fondamentales et les compétences mais on peut imaginer beaucoup d’autres manières de faire.

Viadeo et Linkedin s’orientent déjà dans cette direction avec la valorisation des compétences, qui prennent aujourd’hui une importance beaucoup plus considérable.

Toutefois, bien qu’elles contribuent à régler partiellement le problème de discrimination posé par le CV, les compétences ne résolvent en rien la question de la réduction de l’individu à sa fonction : identifié à sa seule compétence, la dimension humaine du candidat continue à être rejetée au second plan. Les compétences ne sont qu’une manifestation. La source du talent est ailleurs, et touche au cœur des êtres. C’est vers cela qu’il faut porter l’attention.

A plus longue échéance, votre vision s'inscrit dans une logique de développement durable. Quelles leçons peut-on tirer de ce mouvement pour assurer le succès de votre démarche ?
Ce qui cristallise toute mon attention aujourd’hui est la question de la philosophie de l’informatique.
Dans la conscience commune, les outils informatiques sont perçus comme neutres. La plupart des gens ne voient pas, par exemple, la différence qui existe entre un logiciel de surveillance et un réseau social. Il ne s’agit que de programmes qui répondent à des besoins différents.
Rien n’est plus faux. En réalité, tout logiciel informatique est sous-tendu par une conception de l’homme et un système propre de valeurs, c’est-à-dire une anthropologie.

De la même façon, les logiciels RH sont eux aussi sous-tendus par des systèmes de valeurs qu’il s’agit de comprendre pour ne pas les subir.
Les ressources humaines sont aujourd’hui perçues comme un sous-ensemble de l’économie. Elles sont d’ailleurs traitées comme une simple fonction au sein de l’entreprise, à côté d’autres comme la comptabilité ou le marketing.

Or, la fonction spécifique des ressources humaines devrait être, comme son nom l’indique, de permette à l’homme de concrétiser le potentiel qu’il porte en lui, et dont l’économie n’est qu’une des expressions.
En ce sens, les ressources humaines pourraient jouer un rôle décisif dans l’avenir de nos sociétés si elles parvenaient à s’arracher aux mécaniques de reproduction sociale. Et dans la mesure où l’informatique a pris un rôle immense, le premier vecteur de changement serait d’imaginer des outils novateurs, basés sur une anthropologie que l’on pourrait qualifier d’ouverte.

Le problème, c’est que les concepteurs d’outils informatiques RH se voient comme des fournisseurs de solutions qui répondent aux besoins d’un marché. Les recruteurs veulent des CV, et ils développent donc des programmes entièrement structurés en fonction du CV.
Mais en échouant à apporter une perspective, ils renforcent mécaniquement les schémas réducteurs qui sont au fondement des organisations et participent à un mal collectif dont les répercussions vont bien au-delà du recrutement.

Evidemment, beaucoup d’éditeurs logiciels RH seraient étonnés si on leur expliquait qu’ils ont une responsabilité philosophique majeure vis-à-vis de l’humanité de demain ! C’est pourtant le cas.

Il y a bien une population qui pourrait apporter cette vision holistique au monde logiciel : les spécialistes des ressources humaines. Coaches, psychologues, philosophes, experts du développement personnel, ils ont précisément cette profondeur de vision qui manque aux éditeurs. Mais tout le problème est qu’ils se méfient souvent de l’informatique parce qu’ils considèrent qu’elle est intrinsèquement déshumanisante, favorisant eux aussi la reproduction des mêmes schémas par leur simple inaction dans ce domaine.
Pourtant, si le monde des logiciels RH doit être un peu plus qu’une gigantesque machinerie qui tourne en cercle, il faut impérativement créer cette passerelle entre la conception logicielle et la philosophie.

Boris Sirbey : Issu d’une famille d’artistes, Boris réalise ses premiers sites dès 1998 pour des plasticiens, puis développe une compétence plus large comme consultant Web à partir de 2005. Parallèlement, il fait une khâgne puis des études de philosophie à Nanterre jusqu’au doctorat qu’il obtient en 2006. Il publie deux ouvrages ainsi que plusieurs articles dans des revues et des ouvrages collectifs. Cherchant à créer des ponts entre le monde de la philosophie et celui du travail, il accompagne Eurydice Partners dans la mise en place d’un des premiers sites de recrutement basés sur la mise en relation sans CV. Ferme partisan du développement de l’intelligence collective et des modèles équitables, il co-fonde MyJobCompany dans l’objectif de créer des nouvelles ouvertures dans le monde de l’emploi.

 

Notre avis : Nous validons totalement cette approche car elle combine beaucoup de nos convictions.

Premièrement, une sélection par compétence permet de diversifier et donc d'enrichir les équipes mais également d'envisager un potentiel d'employabilité plus large et plus long, ce qui n'est pas négligeable pour des personnes qui vont travailler jusqu'à 70 ans ! De même, nous nous employons toujours à amener nos clients sur des profils "out of the box" et ce sont souvent les plus grands succès de recrutement. La notion de mise en correspondance d’un besoin en compétences et d’un portefeuille de compétences doit donc s’élargir et nous nous devons de convaincre nos clients recruteurs sur ces évolutions.

Créer un outil qui combine une approche parcours/compétences/savoir-être est un projet très ambitieux et nous avons hâte de voir la version béta.
Il sera très complémentaire de l'action de conseil et de tiers de confiance d'un cabinet. Celui-ci apporte son talent de « décrypteur » d’une masse d’informations extraites d’un outil et cette dimension humaine nécessaire dans la réassurance des deux parties lors d'un recrutement.


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