«Candid'acteurs» : moins de formalisme et une approche plus humaine dans le recrutement

Par: Dorsimont 27-6-2014

Catégories:Interviews décideurs,
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 A l'heure de la « flexible workforce », l’étude intitulée « Actifs et recrutement : trouver l’emploi qui me correspond » conduite Pour Monkey Tie par Jérémie Piquandet, Directeur d'études au sein de l’Institut CSA, nous offre une lecture passionnante, contrastée et presque paradoxale.

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Les générations montantes réclament une relation plus humaine, d'égal à égal dès la rencontre avec le recruteur et cette relation doit se poursuivre dans l’entreprise sans entraves d'aucune part. Ces générations semblent ainsi appuyer l'idée selon laquelle le contrat avec l’employeur, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a atteint ses limites.

Pour autant, ces actifs se disent tout autant en quête de sens et de lien avec l'entreprise. La difficile synthèse de ces deux objectifs paraîtra pour certain comme une étape nécessaire vers un monde du travail plus agile en phase avec les impératifs d'aujourd'hui.

Ce qui est certain, c'est que cet idéal requerra beaucoup d'intelligence, de méthode et d'accompagnement pour se concrétiser. Jérémie Piquandet partage avec nous les enseignements qu’il tire des résultats de cette étude.

Jérémie, vous avez mené une enquête* intitulée "Actifs et recrutement : trouver l'emploi qui me correspond" pour le site Monkey Tie. Pouvez-vous nous indiquer brièvement le déroulement et les points que vous avez cherché à vérifier ?
Quelques mois après sa naissance, le premier site de recrutement affinitaire Monkey Tie a approché l’institut CSA avec le besoin, très fort et très haut exprimé de leur part, d’entendre et comprendre comment les actifs voyaient les méthodes de recrutement et les outils presqu’immémoriaux, CV, «lettres de motiv’» et entretiens d’embauche.

Bien entendu, l’institut CSA leur a proposé de concevoir une étude qui ouvrirait aux attentes pour demain : ce serait quoi, le recrutement de demain ?

Avec, dans l’idée, de savoir si ce que Monkey Tie propose, le cœur inédit de leur métier, en l’occurrence une approche innovante du recrutement reposant sur l’adéquation entre la personnalité des candidats et celle d’une entreprise, correspond à ce recrutement de demain. Ce que nous allions entendre en interrogeant 500 actifs issus d’un échantillon représentatif de la population active, occupée comme inoccupée en France, a été plus que surprenant pour nous comme réconfortant pour Monkey Tie !

Quelle posture adoptent les candidats vis-à-vis de leur recherche d'emploi ? Quels sont les atouts clés pour trouver un emploi ?
Premier point, on le sentait en lançant le projet, la recherche d’emploi est toujours quelque chose de compliqué, voire de plus en plus compliqué. Quand bien même, première surprise, donc, l’enquête dessine le portrait d’actifs qui ne baissent pas les bras.

Pour une large majorité, trouver le métier de ses rêves n’est pas une question de chance ou une question de milieu social, c’est avant tout une question d’insistance courageuse, et par conséquent, de capacité à prendre son avenir en main. D’où notre petit jeu de mot qui circulait à l’analyse entre nous et l’équipe Monkey Tieles  les «candid’acteurs».

Pour ces «candid’acteurs», la répartie et les facilités relationnelles, liées à la capacité à alimenter un « réseau » sont également des atouts à avoir en poche pour trouver un emploi aujourd’hui. D’ailleurs, j’évoque les réseaux : c’est aussi des questions autour desquelles nous avons tourné avec nos répondants. Et un tiers des actifs a compris l’intérêt d’être proactif en s’inscrivant sur un site de recrutement, parmi lesquels un quart a régulièrement consulté les offres publiées lors de sa dernière recherche d’emploi.

Comment jugent-ils le processus de recrutement ? Que souhaitent-ils ?
Notre lecture des résultats aura eu le mérite d’être claire : certains processus classiques de recrutement semblent atteindre aujourd'hui leurs limites. A la quasi unanimité, ceux-ci devraient être plus «humains», plus transparents en ce qui concerne la rémunération et plus soucieux de prendre en compte la «personnalité des candidats». Un constat sans appel.

Pour nous, cette attente traduit plus largement le besoin d’instaurer une relation «recruté-recruteur» moins formelle et plus humaine, et ce, sur deux grands axes : tout d’abord du « sur-mesure », du personnalisé, une relation qui prend en compte ma personnalité, ma façon d’être et de parler ; second axe, une relation d’«égal à égal», qui confronte deux personnes à égale hauteur, où chacun peut en toute ouverture évoquer ce qu’il attend de l’autre.

Comment voient-ils la relation recruteur/recruté ?
Dans un contexte où l’on parle à nouveau avec simplicité de « vocation » et de « bien-être au travail », des thématiques d’étude et d’opinion sur lesquels nos clients nous questionnent régulièrement, les actifs cherchent un emploi dans lequel ils cherchent un «sens». C’est, quand on lit nos résultats, ce qui fait aussi le sel de cette étude. Parce qu’à préférer un emploi qui a du sens, c’est la relation recruteur/recruté qui change également : pour un candidat à l’emploi, l’adéquation de sa propre personnalité – bosseur, extraverti, sociable, secret, rigoureux, etc. – avec une « culture maison », des valeurs particulières, des traits de personnalité qui sont propres à un recruteur, est devenu un avantage pour décrocher le job.

Nos actifs, et notamment les plus jeunes d’entre eux, savent qu’avec un recrutement qui prendrait leur personnalité en considération, quand ça «matche» avec un employeur, celui-ci peut compter sur l’employé, et vice versa. Non pas parce que les compétences du futur salarié sont écrites dans un CV et son envie dans une lettre de motivation, mais parce qu’il existe «un lien» entre les deux parties. Les deux parties se comprennent et parlent le même langage.

Du sens à son job, donc, mais aussi du lien entre soi et son employeur. Voilà comment ils voient aujourd’hui la relation recruteur / recruté : quelque chose d’une véritable «relation».

Comment définissent-ils l'environnement de travail idéal ?
Vous avez raison, l’attente de davantage d’humanité dans les méthodes de recrutement fait écho avec les motivations à choisir telle ou telle entreprise. Nous parlions de la relation recruteur/recruté, on peut tout aussi bien évoquer la relation employeur-employé. Ainsi, une majorité d’actifs recherche dans sa future entreprise une «bonne ambiance» ; c’est l’assurance de se sentir bien au travail avec ses collègues, c’est l’assurance de moments de convivialité, de proximité, bref du fameux  «lien».

Alors après la convivialité dans le travail, quel environnement souhaité ? Et bien les actifs souhaitent ensuite évoluer dans un cadre qui laisse la possibilité de s’organiser : donc, autonomie promue par un climat de confiance, une entreprise donnant les rênes à qui veut les prendre et vous avez l’employeur parfait !

Quelle est, selon eux, la relation idéale avec leur employeur ?
Je parlais d’exigence de maturité dans la relation recruté-recruteur, les actifs demandent la même maturité dans la relation employé-employeur.

De ce point de vue, l’attitude des plus jeunes est intéressante. Ces moins de 25 ans, qui ont rappelé à l’institut CSA à quel point ils étaient attentifs à l’employeur qui saura les faire participer aux décisions de l’entreprise qui les concernent mais aussi qui offre «des perspectives d’évolution», autrement dit, qui dessine avec eux, dès le recrutement, une fenêtre sur l’avenir qui fait rêver en démarrage de carrière.

Quand nous avons publié cette étude, nous entendions beaucoup parler de cette génération Y, une génération désabusée et compliquée pour les responsables ressources humaines déroutés. Des jeunes impatients et impulsifs, à la fois mercenaires mais au fond très paresseux. Parfaitement prêts à discuter salaire mais pas du tout à se laisser dicter des horaires de travail et accepter d'arriver au bureau avant 11 h 30, et au-delà, pour qui toute consigne hérisse le poil.

Bref, depuis les formations au "management intergénérationnel" ou les pages « Société » de nos magazines, on entendait beaucoup mais au final, ces idées flottant dans l’opinion sont ici quelque peu battues en brèche : cette génération Y est la première dans le sondage à se dire en quête d’équilibre, équilibre entre contribution à l’entreprise et rétribution, matérielle (évidemment) mais aussi rétribution plus immatérielle : reconnaissance, confiance accordée, perspectives dessinées. C’est au prix de cet équilibre qu’ils fondent leur épanouissement personnel et leur investissement dans le job.

Que peut-on en conclure pour les entreprises ?
Au fond, ce que l’on raconte pour les jeunes irrigue les réponses de tous. Génération Y, c’est peut-être bientôt Société Y. Et c’est alors toute la carrière professionnelle qui sera bientôt appréhendée différemment.

Nouvelle relation recruteur-recruté, nouvelle relation employeur-employé des relations que je qualifierai de matures, au sein desquelles, en toute confiance, chaque partie sait où elle va, ce genre de relation à laquelle on peut toujours mettre fin en adulte : si presque la moitié des actifs se dit encore «fidèle» à son employeur, plus encore de répondants ont avoué être sur le «qui-vive», «ouverts» à toute opportunité qui se présenterait ! Pour les entreprises, c’est sans doute un enseignement particulièrement captivant.


Jérémie Piquandet, Directeur d'études - Institut CSA
8 ans d'expérience dans les études (TNS Sofres, CSA) dont 4 ans en enquêtes de climat interne et études de fond sur le marché du travail, Jérémie s'est spécialisé dans l'exploration des phénomènes sociétaux au sens large (santé, politique familiale, logement, développement durable, médias, marché du travail, énergie...) et la mise en place de stratégies face aux enjeux d'opinion.
En 2014, il rejoint l'Institut CSA pour développer ses expertises (études exploratoires d'opinion, marketing social, observatoires sociétaux, analyse et synthèse des tendances de l'opinion au regard de l'actualité) pour le compte de grandes entreprises, fédérations professionnelles, agences de communication et institutions.
Diplômé du CELSA / Master 2 Communication des Entreprises et des Organisations Internationales.


*Enquête menée du 9 au 11 avril 2014 sur Internet auprès d’un échantillon de 500 actifs issus d’un échantillon représentatif de la population active, occupée comme inoccupée en France selon la méthode des quotas.